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Plus sur les coins lecture

L’année dernière, Lectures Partagées avait soutenu la mise en place de différents rincones de lectura (coins lecture) dans sept veredas (hameaux) du département de Nariño, en fournissant livres, jeux, étagères et coussins, ainsi qu’en offrant de formations de promotion de lecture et de gestion de bibliothèque. Ayant moi-même séjourné un mois dans les veredas et ayant passé du temps dans ces espaces, je crois que je me dois maintenant d’essayer de les décrire. Mais je bloque sur cet article depuis quelques jours… Comment décrire la vie dans une bibliothèque sans paraître banal, ou ennuyeux ? Et par où commencer ?


Je pourrais commencer par vous parler de l’adolescent de quatorze ans qui lit un livre sur les genoux de sa maman, ou des enfants qui retiennent leurs fous rires quand j’entreprends la lecture d’un conte avec un accent espagnol non identifiable. Je pourrais vous parler des cours de guitare, des assidus qui répètent, répètent et répètent encore une même mélodie jusqu’à être capables de la jouer, et de ceux qui, s’imaginant probablement déjà devant un public en folie, s’intéressent peu au résultat sonore et combinent d’emblée mélodie, rythme, chant et danse. Je pourrais vous parler de ce garçon de onze ans qui vient de son plein gré m’annoncer qu’il n’aime pas lire, et de mon embarras face à cette terrible révélation.



Ou de ce même enfant qui, comme pour remuer encore un peu plus le couteau dans la plaie, vient confirmer son propos en allant regarder un clip de reggaeton sur Internet. Ou de mon soulagement quand, toujours ce même enfant, une fois son tour d’ordinateur terminé, part à la recherche de tous les livres sans texte (qu’il connaît par cœur !) et avec son imagination plus que débordante se lance dans de longs récits narratifs, sur la base des images uniquement…


Mais finalement non. Je ne vous parlerai pas de tout ça. Je tenterai plutôt de vous décrire un peu les dynamiques communautaires qui animent ces coins lecture, puisque c’est ce qui fait, je crois, toute leur spécificité. Dans la majorité des veredas, alors que les coins lecture étaient au départ pensés comme des espaces destinés aux écoles, les habitant-e-s se sont rapidement organisé-e-s pour sortir le matériel des salles de classe et les mettre dans des espaces communs (qu’il s’agisse d’une maison communautaire, d’une pièce située dans l’enceinte de l’école, ou encore chez une famille qui prête généreusement une pièce de sa maison), afin qu’ils puissent bénéficier à l’ensemble de la communauté.



Ces rincones de lectura continuent d’être utilisés par les professeur-e-s le matin, mais également par le reste des habitant-e-s en dehors du cadre scolaire. Les habitant-e-s s’organisent alors pour qu’à tour de rôle une (ou plusieurs) personne se charge bénévolement de l’ouverture et du fonctionnement du lieu.


Cette organisation autogérée n’est évidemment pas toujours évidente à concrétiser, et alors que dans certaines veredas un immense travail collectif est réalisé (comme c’est le cas à San Francisco par exemple, ou vingt-quatre mères de famille se sont organisées en binômes pour ouvrir à tour de rôle la bibliothèque) dans d’autres, un nombre réduit de personnes s’engage à ouvrir le lieu et beaucoup de responsabilités se trouvent assumées par quelques personnes seulement. Il serait dans ce cas peut-être plus facile d’engager un-e bibliothécaire, de lui donner un salaire et de maintenir l’ouverture selon des horaires fixes. Mais alors le lieu perdrait probablement une partie de sa richesse, de son dynamisme lié au fait que chacun a un rôle à jouer pour faire vivre cet espace. C’est ainsi que, bien plus que de simples coins de lectures, ces espaces physiques se transforment en lieu de rencontre et de partage, toutes générations confondues. De là est née l’envie de créer plus encore. De là se développent aujourd’hui de nouveaux projets. Parce que ces espaces d’échange sont non seulement une source d’action et de création, mais également la condition physique de réalisation de ces projets. Parce que sans espace commun pour se réunir, entreposer du matériel ou organiser diverses activités, il est bien plus difficile de concrétiser ses envies.



Voilà en quelques lignes certains des défis que connaissent les coins lecture aujourd’hui. Il y aurait encore tellement de choses à dire, à décrire… Moi, ce qui me fascine le plus, c’est cette construction permanente qui caractérise ces espaces. Rien n’est acquis, tout est constamment à construire, déconstruire, reconstruire.

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